On ne choisit pas son enfance, on m'a pas laissé être droitier Mon père m'emmenait jamais au square mais aux réunions du comité Mon père était tellement de gauche qu'on habitait rue Jean Jaurès En face du square Maurice Thorez, avant d'aller vivre à Montrouge On a été en U.R.S.S. l'hiver, les pays de l'Est c'est mieux l'hiver On voit bien mieux les bâtiments, les nuances de gris ça flashe sur le blanc Devant la statue de Lénine, pour nous c'était le grand frisson Moins 24° c'était pas terrible, mais les chapkas étaient en option. Mon père était tellement de gauche, que quand est tombé le mur de Berlin Il est parti chez Casto pour acheter des parpaings. On mangeait des Lenine's burger, fallait vraiment faire attention T'avais du chou, une pomme de terre, la viande elle était en option. On achetait du coca-Kolkhoze, approuvé par le comité Ça devait soigner la silicose, on s'en servait pour désherber On regardait pas la contrebande, on ne regardait pas la corruption La Sibérie c'était Disneyland, le discernement en option. Mon père était tellement de gauche qu'à son mariage dans l'église, On chantait l'internationale, les femmes portaient des faux-cils Mon père était tellement de gauche, on a eu tout plein d'accidents Il refusait la priorité à droite systématiquement. Les copains se foutaient de moi tout le temps, car à l'école au premier rang J'avais mes lunettes de Brejnev et le dentier d'un Tupolev Mon père était tellement de gauche, qu'en 81 il croyait que ça changerait Je sais pas quelle tête il aurait fait, en 2002, en allant voter. Et même si tout ce que je raconte, n'est pas tout à fait vrai Le socialisme comme paradis, nous on y croyait. Mon père était tellement de gauche, que lorsqu'il est parti La gauche est partie avec lui.