Combien de jours usés, jetés à la poubelle Combien de nuits brûlées dans le triste et le gris Avant d'perdre mon nom, d'me faire couper les ailes J'ai repris le chemin qui ramène au pays C'est la fin de la plaine, le bout de l'autoroute Tu t'enfonces au milieu d'une gorge fermée Et c'est l'ombre et le froid, l'arbre qui s'arc-boute Avant que s'ouvre la vallée Le village a pas bougé, accroché à la pente Avec sa p'tite école et les maisons de bois Les balcons tout fleuris, la chapelle patiente Et dessus l'grand soleil qui réchauffe les toits Entre les granges à foin, suis monté la ruelle Y a-t-il quelqu'un par là qui se souvient de moi? V'là Fernand qui s'arrête, Henri qui m'interpelle "Alors comme ça, te revoilà" C'est loin des villes et loin de tout C'est la montagne et c'est chez nous C'est difficile et l'on s'en fout Les glaciers sont en haut, et ça depuis toujours Et les torrents qui grondent, les pics et les rochers Et les gens sont pareils à tout c'qui les entoure Durs et prêts à se battre aussi bien qu'à chanter Suis allé saluer mes deux vieilles voisines Toujours aussi vaillantes, à peine plus courbées À croire que dans la pénombre de leur cuisine Le temps coule, mais qu'à moitié Paraît qu'l'été dernier sont v'nus quelques touristes Qu'on regardé partout, qu'ont pris quelques photos À la première neige, la femme du garagiste A suivi son amour, un maçon de Porto Les vieux ont soupiré dans leur ancien langage Z'ont haussé les épaules, encore une qui s'en va Mais il en faut bien plus pour faire perdre courage Aux quelques fous qui restent là C'est loin des villes et loin de tout C'est la montagne et c'est chez nous C'est difficile et l'on s'en fout J'ai retrouvé Willy, au café sur la place Bien content d'avoir passé encore un hiver "Ça n'est guère pour mon âge, la tempête et la glace N'en parlons plus; Germaine, apporte un autre verre" V'là Norbert et Marianne, Pierre derrière sa moustache Et François et Michel qui racle ses souliers Et comment vont les champs et comment vont les vaches Et les jardins et les chantiers? Contre la f'nêtre est venue se poser la nuit noire Et l'on parlait encore de chamois, de braconne Quand Marianne a sorti du fond d'notre mémoire Une chanson qu'j'avais oublié d'puis 30 automnes Alors je me suis dit que la vie était belle J'avais r'trouvé mes ailes, j'avais r'trouvé mon nom Sous la Lune immobile, suis r'monté la ruelle Avec plein d'lumière dans mon front C'est loin des villes et loin de tout C'est la montagne et c'est chez nous C'est difficile et l'on s'en fout C'est loin des villes et loin de tout C'est la montagne et c'est chez nous C'est difficile et l'on s'en fout