Bien qu'je sois pas du genre chochotte À m'effrayer comme un moineau À peine il vente, à peine il flotte Du genre à faire mon numéro D'inquiet, d'voyante extra-lucide Plantée d'vant sa boule de cristal "Je vois les ténèbres, le vide Aïe, tout s'écroule, tout va mal" J'avoue qu'par ces temps exaltants C'début d'millénaire embrumé Je s'rais, disons, pas franchement D'un optimisme forcené Bêt'ment, vu les d'mains qui s'préparent Et l'pauvre monde comme il va Oui, mais voilà qu'j'ai, c'est bizarre Comme scellé tout au fond d'moi L'espoir L'Homme est souvent pire qu'une ordure Il l'a prouvé abondamment Cette qualité-là, c'est sûr Défie les siècles, nargue les ans Et c'est pas l'progrès, pas la Bourse Tout c'qu'illumine nos aujourd'hui Qui va v'nir freiner dans sa course L'universelle connerie Allez d'mander, rien que pour voir À Jenine ou en Haïti Comment va le vent de l'Histoire Allez faire un tour à Grozny Ouais, c'est l'horreur et le foutoir La Terre qui saigne un peu partout Mais j'ai beau l'voir et le savoir Je garde envers et contre tout L'espoir Et pas b'soin d'aller à perpète Pour frissonner, monter les tours Suffit d'r'garder sous nos fenêtres Not' pays débordant d'amour Où les riches sur leurs tas d'or Se marrent et gouvernent en sous-main Où les pauvres travaill'ront plus fort Et plus longtemps pour gagner moins Où l'bonheur c'est chacun pour soi Quand y est pas r'mis à bien plus tard Franch'ment pour en arriver là Faut être nul, ou le vouloir Où dans les salons du profit Flotte une certaine odeur de merde Où tout est fait pour qu'on l'oublie Où tout est fait pour qu'on le perde L'espoir L'espoir d'abord, c'est dire non À ceux devant qui l'on s'incline C'est toujours relever le front Quand les autres courbent l'échine L'espoir c'est prendre la parole Sans demander la permission Et c'est danser la Carmagnole Sous les balcons du roi Pognon C'est cracher au nez des crétins Ceux qui prétendent inéluctable Le ventre tordu par la faim C'est cogner du poing sur la table C'est montrer son cul aux sinistres Qui possèdent les continents C'est dire leur fait à leurs ministres Qu'ils soient larbins ou présidents L'espoir c'est le respect toujours De tout ce qui palpite et vit Ça vient de loin, des anciens jours De la mine et du pain rassis L'espoir c'est l'évidence belle Que l'on est là, mille et cent mille Sans peur aucune, debout, rebelles Et que ça n'est pas inutile L'espoir c'est plus fort que la mort La fleur qui perce le goudron Le soleil qui s'lèv'ra encore Sur les fûts rouillés des canons C'est cette flamme qui vacille Ce feu que je tiens dans ma main Fragile et fort comme ma vie C'est tout ce qui me fait humain L'espoir