Je me suis réveillé ce matin Ma p'tite un sourire sur ses lèvres Disant qu' là-bas elle était bien Flottait encore entre deux rêves Sans bruit je me lève, je passe à côté La vie parfois est un cadeau Il va faire chaud et c'est l'été Tout doucement j'allume la radio V'là qu' la chanson est en anglais C'est c' qu'on m' balance souvent à cette heure Bon, faut s'y faire, mais j'espérais Trois mots qu' éclaireraient mon bonheur Mais, je vais pas en faire un fromage N'empêche que je baisse un peu le son Et puis je vaque à mes ouvrages En m' disant juste' que ce bruit de fond Ça m' gonfle Maintenant cet un écolo qui cause Ça sent le grand air dans l' transistor Le gars est v'nu défendre la cause D' nos paysans pris à la gorge Il est question d' proximité D' produire et d' consommer local De bio qu'est bon pour ma santé Puis arrive' la pause musicale Ça vient d'ailleurs, ça vient de loin C' qui ponctue ce joli discours Coms' y a l' mot love dans chaque refrain Ça doit être une chanson d'amour Ça doit être né Los Angèle Aussi raffiné qu'un MacDo Du genre qui t' rentre par une oreille Et sort sans t' frôler le cerveau Ça m' gonfle Tiens v'là un chanteur à présent Un collègue qu'a l'air correct L'animateur dit juste avant Qu'il chante en live euh en direct Oui, faut s' ouvrir aux autres cultures Aux merveilles des pays d'ailleurs Y a tant et tant d' richesses sur Not' planète aux mille couleurs L'gars s' met à chanter en yankee Avec l'accent vaudois pitié Est-ce qu'il comprend au moins ce qu'il dit Vaudrait mieux pas tout compte fait Mais bordel on n'entend plus qu' ça Sur toutes les ondes ou quasi Ça n'raconte rien, ça n'émeut pas Ça t' vole ton temps, ça t'abrutit Ça m' gonfle Ouf v'là l'émission littéraire L'écrivain débarque d'Afrique Et rappelle précis sans colère Qu' certaine invasion linguistique Était compagne du pillage Était complice des bandits Torture mépris esclavage Au temps pourri des colonies Et v'là la chanson en ricain Deux fois ça va, dix fois c'est trop Jamais d'arabe ou d' mandarin Des bargeots parleraient d'un complot Est-ce qu'il n'y aurait plus sur la terre Quelle tristesse, qu'un seul langage Qu'une seule mémoire une seule manière Désormais de vivre son âge Ça me gonfle Représentant l' monde des affaires (J' déconne pas j'ai noté la date) Monsieur Dugland-Dubois prospère Satisfait plastronne et constate Qu'on n' parle plus qu' l'idiome de Wall Street Sur la planète dans l' grand bazar Je m' demande à qui ça profite A moins que ce soit un hasard Et v'là la chanson en rosbif Qui débarque avec ses grands pieds Et comme personne ne se rebiffe Ça d'vient la norme c'est parfait Un peuple de décervelés Coupé d' sa langue et d' ses racines Ça consomme et courbe l'échine Ça n' se révoltera jamais Ça ronfle Et si encore ce qu'on impose A mes esgourdes fatiguées Jour après jour c'était quelque chose Comme la langue de la liberté Mais non c'est un parler d'empire Le jargon d' ceux qui saignent à blanc Les hommes les terres les océans Pour leur profit et pour le pire Que faire contre ce rouleau compresseur Lever un poing vengeur Ou quitter c' monde moribond Les yeux tristes la rage au cœur Partir eh oui mais attention Si devant la porte de là-haut Il est écrit sur l' paillasson C' qu'on voit partout dans vos maisons Welcome je tourne les talons Welcome je redescends illico