Tandis qu'vos mères, dans des charrettes Chargent le lourd du goémon Et que vos pères, dans la tempête Traînent leurs filets sur les hauts-fonds Les jeunes servantes aux Pierres-Noires Fracassent la tempe des bébés Et tout cela pour aller voir Des militaires permissionner Restez petites, petites filles Avec vos hochets de sureau Et vos silences où babille La bave douce du lait chaud Restez toutes blanches, petites filles Et la Bretagne va vous garder Sinon les garçons de la ville Perdront vos jupons à danser Et le chagrin qui prend la tête Vous fera bonne d'épicier Et toute noire, un peu simplette Avec la coiffe sur le côté Dormez petites, petites filles Dans des berceuses à tricoter Et une laine malhabile Qui laisse des trous dans les rangées Le bon curé qui est aux vêpres Parle à un bon Dieu tout mouillé Qui découpe des morceaux de crêpe Dans les bateaux qu'il va noyer Vous vous direz en vieillissant Devant les grands champs de genêts J'étais petite mais bien en âme Pourquoi l'enfance m'a quittée? On court à l'amour, à la noce Et malgré tous les violoneux La vie est longue en couches, en bosses Il n'y a pas juste milieu Restez petites, petites filles Avec vos hochets de sureau Et vos silences où babille La bave douce du lait chaud