Pour une femme morte dans votre hôpital Je réclame, Dieu, votre grâce Si votre paradis n'est pas ornemental Gardez-lui sa petite place La voix au téléphone oubliait la pitié Alors j'ai couru dans la ville Elle ne bougeait plus déjà d'une moitié L'autre est maintenant immobile Bien qu'elle fût noyée à demi par la nuit Sa parole était violence Elle m'a dit "Appelle ce docteur", et lui Il a fait venir l'ambulance Ô temps cent fois présent du progrès merveilleux Quand la vie et la mort vont vite Où va ce chariot qui court dans l'Hôtel-Dieu L'hôtel où personne n'habite? D'une main qui pleurait de l'encre sur la mort Il fallut remplir quelques fiches Moi, je pris le métro, l'hôpital prit son corps Ni lui ni elle n'était riche Je revins chaque fois, dans les moments permis J'apportais quelques friandises Elle me grimaçait un sourire à demi De l'eau tombait sur sa chemise Elle ne bougeait plus, alors elle a pris froid On avait ouvert la fenêtre Une infirmière neutre, aux gestes maladroits En son hôtel, Dieu n'est pas maître Ma mère m'embrassa sur la main, me bénit Et moi, je ne pouvais rien dire En marmonnant "Allons, c'est fini, c'est fini" Toujours dans un demi-sourire Cette femme a péché, cette femme a menti Elle a pensé des choses vaine Elle a couru, souffert, élevé deux petits Si l'autre vie est incertaine Et si vous êtes là, et si vous êtes mûr Que sa course soit terminée On l'a mise à Pantin, dans un coin près du mur Derrière on voit des cheminées