Le soir de Noël, un grand magasin Dans les mille feux de ses étalages Expose aux regards de tous les bambins Guignols et tambours, soldats et ménages Soufflant dans ses doigts que le froid rougit Une gosse est là, pâlote et chétive Qui sur le trottoir admire, pensive Les grandes poupées, leurs jolis habits Devant tous ces trésors qui ne sont pas pour elle La gosse dit tout bas sous le vent qui la gêne: "Pourquoi donc, Bonhomme Noël Ne viens-tu pas dans ma cheminée M'apporter, quand tu viens du ciel De grandes poupées? Moi, jamais je n'eus de joujoux Car on est malheureux, chez nous Ce soir, donne-moi, je te prie La poupée rose si jolie" Sur Paris tout blanc, le petit jour luit Des cafés déserts, les lustres s'éteignent Les fêtards s'en vont des boîtes de nuit Le roi Réveillon a fini son règne Mais la gosse aux fleurs est venue tomber Sous l'abri douteux d'une porte cochère Deux larmes glacées mouillent ses paupières Que le grand sommeil va bientôt fermer Elle se croit déjà au paradis des anges Et dit ces derniers mots dans un sourire étrange: "Je m'en vais, Bonhomme Noël D'un manteau blanc tout enveloppée Demander aux anges du ciel De grandes poupées Et demain, quand je s'rai là-haut Prenant les joujoux les plus beaux Je les enverrai sur la Terre Pour mes p'tites sœurs de misère"