Depuis six mille ans la guerre Plaît aux peuples querelleurs Et Dieu perd son temps à faire Les étoiles et les fleurs Les conseils du ciel immense Du lys pur, du nid doré N'ôtent aucune démence Du coeur de l'homme effaré Les carnages, les victoires Voilà notre grand amour Et les multitudes noires Ont pour grelot le tambour La gloire, sous ses chimères Et sous ses chars triomphants Met toutes les pauvres mères Et tous les petits enfants Notre bonheur est farouche C'est de dire "allons, mourons" Et c'est d'avoir à la bouche La salive des clairons L'acier luit, les bivouacs fument Pâles, nous nous déchaînons Les sombres âmes s'allument Aux lumières des canons Et cela pour des altesses Qui, vous à peine enterrés Se feront des politesses Pendant que vous pourrirez Et que, dans le champ funeste Les chacals et les oiseaux Hideux, iront voir s'il reste De la chair après vos os Aucun peuple ne tolère Qu'un autre vive à côté Et l'on souffle la colère Dans notre imbécillité On pourrait boire aux fontaines Prier dans l'ombre à genoux Aimer, songer sous les chênes Tuer son frère est plus doux On se hache, on se harponne On court par monts et par vaux L'épouvante se cramponne Du poing aux crins des chevaux Et l'aube est là sur la plaine Ah, j'admire, en vérité Qu'on puisse avoir tant de haine Quand l'alouette a chanté Depuis six mille ans la guerre Plaît aux peuples querelleurs Et Dieu perd son temps à faire Les étoiles et les fleurs Et l'aube est là sur la plaine Ah, j'admire, en vérité Qu'on puisse avoir tant de haine Quand l'alouette a chanté