C'était au fond d'une taverne Un soir de brume épaisse et tiède Entre les murs de la caserne Un clairon sonnait sans arrêt Ô, servante au coeur inconstant à boire à tes amants Ta larme amère en même temps Tu partis sans vaine bravade Ton quart tintait sur ton bidon Comme celui des camarades Entassés dans d'affreux wagons Peu à peu le bruit du canon Résonnait à la cantonade Petit soldat, dis-moi ton nom Ô, servante au coeur inconstant à boire à tes amants Ta larme amère en même temps L'oeil au créneau de la tranchée Hâve, épuisé, hagard, transi Les doigts crispés sur ton fusil L'âme absente, comme arrachée Voici que point ton dernier jour Dépose ici toute espérance Comme un fardeau, hélas trop lourd Ô, servante au coeur inconstant à boire à tes amants Ta larme amère en même temps Folle bohème, ô ma jeunesse Qui t'en vas par ce froid matin Qu'as-tu fait de tant de promesses Et de tant d'espoirs incertains? L'eau qui s'égoutte sur la pierre Des froids tombeaux du cimetière Tristement la ronge un peu plus Ô, servante au coeur inconstant à boire à tes amants Ta larme amère en même temps J'ai beau regarder en arrière J'ai beau croire avoir entendu Leur voix rauques et familières Hélas, c'est eux qui sont sous terre C'est eux qui ne reviendront plus Entrechoquer gaiement leurs verres À l'enseigne du temps perdu À l'enseigne du temps perdu Ô, servante au coeur inconstant à boire à tes amants Ta larme amère en même temps