J'ai couru vingt milles et me voici Fatigué, délavé par la pluie Je t'apporte quelques pissenlits C'est le vent qui les a défraîchis Pourquoi nous as-tu quittés si tôt Dieu châtie bien ceux qu'il aime trop Que ferai-je de tous mes dimanches Maintenant que tu es sous les planches Mes cousins viendront te raconter Qu'ils ont pleuré comme lièvres en cage N'en crois rien, ils ont plutôt pensé Au partage de ton héritage Ils auront, je les vois bien d'ici La voix pâle et aussi l'oeil aigri Mais demain après la mise en terre Ils iront gueuler chez le notaire J'ai couru vingt milles et me voici Fatigué, délavé par la pluie Je t'apporte quelques pissenlits C'est le vent qui les a défraîchis Au village depuis qu't'es parti Les chats ne sortent plus que la nuit Aux fenêtres des maisons, les fleurs Ont perdu déjà toute couleur C'est mon chien qui va chercher longtemps La fontaine où tu l'emmenais boire L'vieux Julien qui se meurt lentement M'a prié de te dire au revoir C'était lui le copain des jours tendres À qui parfois tu faisais comprendre En criant pour qu'il puisse t'entendre Que les femmes, il faut s'y laisser prendre Au bon Dieu tu croyais pas souvent Mais un soir où la nuit était pâle Je t'ai vu, tu parlais aux étoiles Comme aux copains retrouvés d'antan Et si au fond de l'immensité Tu t'ennuies en comptant les secondes Pense à moi de l'autre bout du monde Pense à moi si tu le veux, si tu le peux pendant l'éternité