Il ramasse chaque jour un caillou Et le planque dans sa poche Il raconte qu´il s´en ira les planter Pour que poussent des murs Fruits murs de la liberté Il est persuadé qu´en cultivant des cailloux Le temps sur son lit ricoche Il nous dit que les pierres, elles, ne sont pas névrosées Que nous sommes ses remparts Et repart les arroser Mais, comme les autres, il tourne en rond Comme un poisson dans son bocal Qui s´extasie chaque minute devant les ruines de son local Et quand arrive l´heure de la promenade Il reste enfermé, c´est comme ça qu´il s´évade Il rentre le premier, juste le temps de gober du soleil Et de gratter le sol pour trouver une merveille, Un bout de béton qu´est pas pareil, un vieil unique, le seul sur Terre Qui le fait tenir, se dire que chaque jour est à marquer d´une pierre. Il ramasse chaque jour un caillou Et le planque dans sa poche Il raconte qu´il s´en ira les planter Pour que poussent des murs Fruits murs de la liberté Il est persuadé qu´en cultivant des cailloux Le temps sur son lit ricoche Il nous dit que les pierres, elles, ne sont pas névrosées Que nous sommes ses remparts Et repart les arroser On a tous oublié pourquoi il est tombé Mais on sait qu´il est resté accroché Il s´est agrippé à la paroi Même aux jours de silex quand il n´y a personne au parloir Les jours de démence où on lâche prise Pour chuter plus bas, s´abandonner à la brise. Dans ce cas, on se rattrape toujours à quelque chose In extremis et brisé, on arrose des fleurs grises. Le marginal à la mine fragile Ne comprend pas la justice des granits machinale Et pourquoi ceux qui font carrière, comme par magie Jouissent d´un jugement de glaise ou d´argile. Il regrette ses crimes mais pas ses idées. On finit sous une pierre par nécessité. A l´édifice des Hommes avant qu´il ne se détruisent Il voulait apporter sa pierre. Eh bien, il l´a reprise! Il ramasse chaque jour un caillou Et le planque dans sa poche Il raconte qu´il s´en ira les planter Pour que poussent des murs Fruits murs de la liberté Il est persuadé qu´en cultivant des cailloux Le temps sur son lit ricoche Il nous dit que les pierres, elles, ne sont pas névrosées Que nous sommes ses remparts Et repart les arroser Il nous dit tout le cynisme des gens en liberté Qui ont des ghettos dans la tête et des cadenas au coeur Avec des serrures sans clé, et dans leurs jardins secrets, Qui laissent pousser le chiendent et les maisons d´arrêt.