La peau pâle et laiteuse, la bouche carnassière Les yeux d'or et d'orage, le sein rond, ferme et fier Madame Haarman se fait belle dans sa mansarde miteuse Les temps sont durs, sinistres - les joues se font plus creuses Les talons claquent sur les pavés, la dame est enfin prête Manteau cintré, robe décolletée, elle part à la conquête Des garçons au goût de biscuit pour en lécher les miettes Leur préparant leur dernier lit dans le creux d'une assiette Sur les quais de la gare T'attendra la bouchère Celle qui, sans crier gare D'un baiser rouge t'enterre La chambre est bien modeste, la dame appétissante La langue agile, les mains fébriles, les cuisses chaudes et accueillantes Pour les éphèbes affamés qui pénètrent en son antre La faim pour toujours apaisée d'un couteau dans le ventre Sur les quais de la gare T'attendra la bouchère Celle qui, sans crier gare D'un baiser rouge t'enterre Le couperet à la main, la cigarette au bec Madame Haarman démembre le petit mort qui défèque Puis prépare ses paquets pour sa chère clientèle La bonne viande se fait rare en ce début de siècle Sur les quais de la gare T'attendra la bouchère Celle qui, sans crier gare D'un baiser rouge t'enterre En ces années morbides, on sait fermer les yeux Sur c'que Madame Haarman fait de plus monstrueux Pour des tripes de sale gosse, on sait se faire complice Famine oblige mais, qu'on se le dise, ça reste un vrai délice! Sur les quais de la gare T'attendra la bouchère Celle qui, sans crier gare D'un baiser rouge t'enterre