J'ai bien trop de respect pour les travailleuses du sexe Pour oser en causer d'une manière si vulgaire J'ai bien trop de tendresse pour ces demies-déesses Capables de supporter nos gueules patibulaires Je refuse d'associer ce mot d'une obscénité crasse À ceux dont le boulot n'a au fond rien d'infâme Filles de joie, gigolos, catins: faites donc place A la reine des salopes – et ce n'est même pas une femme Je me rappelle mon premier cri, mes premiers instants Elle m'a promis mille tourments dans un flot d'insultes Tandis que je pleurais dans les bras chauds de ma maman L'évidence m'a frappée: la vie est une pute Par moments, je fléchis devant l'étourdissante beauté D'la putain apprêtée – j'lui ferais bien la cour Quand elle range ses chaînes, ses fouets, sa cruauté Sa douceur vient éclipser l'ombre des mouches et des vautours C'est alors que sonne la fin de la récréation La maîtresse ronronne, me prend la main et m'escorte Sur un chemin d'échecs, d'emmerdes, de frustrations Bouche de velours et cœur sec – parfois, j'aimerais la voir morte Et pourtant je m'accroche, j'y crois, dur comme le fer Attendant l'accalmie, l'oasis dans le désert C'est toujours le même cirque: je suis six pieds sous terre Et, soudain, ressuscite, sous ses caresses meurtrières Son corps cambré exulte (la vie la pute) La chienne est en rut (la vie la pute) Elle m'entraîne dans sa chute (la vie la pute) Elle gémit, un cri, le silence, et chut Épuisée, enflammée par cette folle entrevue Je redresse l'échine, panse mes plaies qui suintent La rage en dedans demeure, elle balaiera mes larmes et mes plaintes La vie – qu'on se le dise - vaut la peine d'être vécue J'y ai laissé des plumes, j'ai d'jà beaucoup perdu Mon sang, mon temps, ma thune, j'ai tant dilapidé Nique les remords et les regrets! Mon corps, ma lucidité Ne sauront résister à l'attrait de son cul Son corps cambré exulte (la vie la pute) La chienne est en rut (la vie la pute) Elle m'entraîne dans sa chute (la vie la pute) Elle gémit, un cri, le silence, et chut